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lettre d'information

Gilles Châtelet

Gilles Châtelet est né le 2 février 1944. Son sens critique et polémique eut l’occasion de s’exprimer très tôt, affûté par les joutes auxquelles il se livra durant toute son adolescence avec son beau-père, Maurice Bourstyn, intellectuel juif, communiste et résistant, dirigeant cégétiste, dont l’extrême rigueur exerça sur lui une influence décisive. Gilles Châtelet grandit à Bezons, petite ville industrielle de la région parisienne, archétype de la banlieue ouvrière communiste. Il entre au lycée de Saint Germain-en-Lay et découvre la philosophie avec Jacques Gaucheron qui remarque son jeune élève.
Il entre en 1963 à l’École normale supérieure de Saint-Cloud en section scientifique, et soutiendra son Doctorat d’état es-Sciences de Mathématiques pures en topologie différentielle le 20 décembre 1975. Dès la fin des années 1970, il entre en dialogue avec René Thom qui se poursuivra jusqu’à la mort de ce dernier. Il est assistant, puis maître-assistant à Paris VII à partir 1976, et devient professeur de mathématiques à Paris VIII en 1979. Directeur de Programme au Collège international de philosophie entre 1989 et 1995, il fonde le séminaire Rencontres Science-Philosophie. En 1994, il rejoint le laboratoire « Pensée des sciences » qui vient d’être fondé à la rue d’Ulm par Charles Alunni. Il prend alors une part particulièrement active au séminaire « Acte, Puissance, Virtualité » et y exerce une influence notable.

À son entrée à St Cloud, il fait un bref passage à l’U.E.C. (Union des étudiants communistes) qui était alors un nid d’opposants à la ligne stalinienne du Parti. Il participe à la contestation de mai 68 en tant que membre du SNESup (Syndicat national de l’enseignement supérieur), non sans une certaine défiance à l’égard des grands groupes constitués. Il s’associera aux travaux du CERES (Centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste), aux côtés de Jean-Pierre Chevènement qui saluera sa critique du néolibéralisme lors de la parution de Vivre et penser comme des porcs.
En 1970, à l’occasion d’un séjour à l’université de Berkeley aux États-Unis, il rencontre les principaux protagonistes de la Beat Generation (William Burroughs, Alan Ginsberg…). À son retour, il milite au FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) et il se lie d’amitié à Roland Barthes, Daniel Guérin, Guy Hocquengheim, Copi Saramente…

Michel Foucault marque une étape dans sa réflexion politique ; puis Félix Guattari, qui l’invite à participer aux travaux du CERFI (Centre d’études, de recherches, et de formations institutionnelles), lui ouvre une certaine compréhension des Institutions. Il participe à la revue Recherches, plateforme éditoriale du Centre, et creuset des réflexions sur la folie, les mondes disciplinaires, la normalisation étatique ou la sexualité. Gilles Châtelet sera partie prenante des numéros : « Équipements de Pouvoir » et « 3 Milliards de Pervers ». Sa rencontre avec Gilles Deleuze en 1972 aura une influence décisive sur son cheminement philosophique, initiant un geste de pensée dont on retrouve la présence en filigrane dans tous ses textes théoriques. En 1993, il publie Les enjeux du mobile. Mathématiques, Physique,Philosophie, dans la collection « Travaux », fondée par Michel Foucault aux Éditions du Seuil.

Son succès de pamphlétaire a finalement occulté une œuvre philosophique dont on a pas encore pris toute la mesure. L’ensemble de ses textes philosophiques inédits, ou devenus introuvables, sont à paraître en octobre 2010, sous le titre Philosophie, Physique, Mathématique. Les enjeux du mobile II, aux Éditions de la rue d’Ulm. Il faut reconnaître en lui le penseur de l’individuation et de la magnification des libertés humaines. Il rappelle à nos mémoires engourdies, qu’en tout état de cause, « qu’il soit mathématicien ou pas, tout homme épris de liberté a le devoir de dire que certaines choses sont insupportables lorsqu’il en a la possibilité. » Il se donne la mort en juin 1999.

Les animaux malades du consensus sont accompagnés d’une préface et d’une biographie complète, rédigée par Catherine Paoletti, qui retracent à la fois son parcours et une mise en perspective de son œuvre.

Catherine Paoletti