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lettre d'information

couverture de VOULOIR L'IMPOSSIBLE
192 pages - 20,00 €
Éditions Lignes

VOULOIR L’IMPOSSIBLE

Revue Lignes n°52

Qu’est-ce que La politique ne peut pas, n’a peut-être jamais pu ? De quoi n’est-elle pas le possible ? De beaucoup de choses, sans doute, et d’essentielles… Dont les vies dépendent pourtant, plus et plus essentiellement que de la politique. Par exemple : la beauté, l’amour, l’art, le rêve, la science, les bêtes, la nature, etc. Ce que nous conviendrons d’appeler ici : L’Impossible.

Le nombre des possibles se restreint à ce point en politique qu’on peut se demander si tout n’y devient pas, définitivement, impossible. Ce n’est pas en ce sens cependant que nous avons voulu employer ce mot ici : au sens de ce qui s’y passait – ou s’y serait passé –, mais ne s’y passerait plus. Nous retomberions dans la même impasse, buterions sur la même impuissance.
Bien des choses peuvent encore s’y passer sans doute, pas toutes négatives (pour une fois, nous les avons écartées par principe), qui témoignent pour le possible au sens où la politique l’entend (les exemples abondent, qui nous changeraient de politique, à défaut de changer la politique : l’effacement de certaines dettes nationales, la régularisation des sans-papiers, l’accueil des réfugiés, etc.). Nous avons préféré prendre le mot « impossible » à l’envers, et lui faire dire le contraire-du-contraire du possible. Nous gardant de rien lui faire dire de négatif, ne serait-ce que pour faire dire à la politique ce qu’elle a d’essentiellement négatif ; ce serait un premier point.

Tout change en effet dès l’instant que nous posons le problème ainsi, en forme de question :
De quoi l’impossible n’est-il pas le nom en politique ?
Ou : de quoi l’impossible n’est-il le nom de rien que la politique puisse ?
Tout change dès lors, parce que ce serait la politique qui serait impuissante, et que ce serait cet impossible qui lui en ferait la démonstration. Et, même (option décidément optimiste possible), que c’est à cet impossible qu’elle devrait de pouvoir n’être plus impuissante.

Ce que la politique peut (par quoi elle se définit en propre) : l’État, l’autorité et la loi, les frontières et les polices, les armées, l’administration de la justice, des conditions du travail, la culture même, etc.

Ce qui lui échappe : la beauté, l’amour, l’art, la science, la nature, le sauvage, la contemplation, le rêve, l’animalité, la folie, etc. Toutes choses dont la politique cherche à s’emparer, pour les exploiter ou les normer, mais qui la dépassent, la trouent – la vouent à l’impuissance : elles ne s’établissent – selon la même option optimiste – qu’en partie dans le domaine politique, mais finissent par traverser celui-ci. Proposition : non pas faire de ce qui lui échappe ce qu’il faudrait qu’elle soit, mais, de ce qu’elle est, la limite à laquelle ce qui lui échappe la réduit. Cesser donc soit d’y tout rapporter, soit de la subordonner dans ce rapport à ce qu’elle n’a jamais été. Utopie : ancien mot possible de ce rapport sans rapport, ou de cette tension ; souveraineté (Bataille), hétérotopie (Foucault) ; « Non-encore-devenu » (Bloch), etc., mots nouveaux possibles.

Rappelons la vive altercation de Bataille et Mascolo (et, implicitement, Blanchot) au moment de l’opposition de gauche à la prise du pouvoir par de Gaulle en 1958 (qui va mener au Manifeste des 121) ; Mascolo presse de les rejoindre. À quoi Bataille objecte que c’est n’avoir rien compris à ce que sa souveraineté lui opposait irréductiblement (la « boue des compromis », lui dit-il). Laquelle des deux positions nous éclaire le mieux aujourd’hui : se désubordonner de la politique, parce qu’il ne s’y trouve aucune souveraineté possible – aucun impossible ? Ou subordonner (subordination paradoxale) la politique à l’irréductible souveraineté de l’impossible ?

À la fin, ces propositions renvoient à une question plus générale : puisque l’écart est tel, qui sépare la politique de l’impossible, puisqu’il n’est plus même jusqu’au mot « révolution » à pouvoir aujourd’hui les rapprocher, quelle raison y a-t-il à soutenir encore leur nécessaire rapport ? C’est à cet endroit que ce numéro veut intervenir : quand rien, dans l’air du temps, ne justifie plus qu’on se souvienne de ce rapport, qu’on en appelle à lui, quand rien n’est plus manifeste que la subordination de la politique à un autre excès – le capitalisme –, qu’est-ce qui justifie qu’on souhaite encore, et vivement, la rapporter à son autre (souveraineté, amour, nature, utopie – impossible) ? Réponse implicite (qui soutiendrait l’ensemble des propositions) : la pensée.

La pensée seule, et pour autant qu’elle donne encore le sens de nombreuses actions (et parfois violentes) justifie la nécessité du rapport de l’impossible à la politique.

Les actions récentes, grèves, occupations, Nuit debout, etc., éclairent-elles cette perspective, cet horizon ?

Mathilde Girard, Frédéric Neyrat & Michel Surya

Éditeur : Éditions Lignes
Prix : 20,00 €
Format : 16 x 21 cm
Nombre de pages : 192 pages
Édition courante : 13 février 2017
ISBN : 978-2-35526-167-1
EAN : 9782355261671